La loi de 1905 : une grande leçon pour notre temps

Marie-Françoise Bechtel, députée de l’Aisne, Vice-présidente de République Moderne

La loi du 9 décembre 1905 n’est pas une loi comme une autre. C’est une charte de paix civile qu’il a fallu du temps et de gros efforts pour imposer à la société française toute entière. C’est ce qui en fait le prix, c’est aussi en quoi elle nous oblige tous. Car si les problèmes posés par la séparation de l’église et de l’Etat ont été surmontés à travers de longs combats, nous ne devons pas baisser la garde aujourd’hui devant des obstacles auxquels elle se heurte.

Tout d’abord l’article premier résonne comme une interpellation, une invite à la clarté, un refus des confusions. Il faut le dire et le répéter, la tolérance n’est pas le principe fondateur de la loi, même si elle en est le résultat. Le principe fondateur, c’est la liberté de conscience avec tout ce que ce principe implique : la liberté de croire ou de ne pas croire, mais aussi la nécessité d’être éclairé pour donner ou refuser son adhésion à telle ou telle foi, telle ou telle croyance, telle ou telle idéologie. C’est en quoi la laïcité est inséparable de l’école de la République : elle fonde celle-ci comme institution et non seulement comme service dispensé à une population de consommateurs. Et c’est pourquoi les renoncements que tant de gouvernements ont infligés à notre école créent aujourd’hui des effets dévastateurs. « Eclairer » le futur citoyen, cela ne peut se faire sans l’apprentissage de disciplines constituées, d’une langue orale et écrite, d’une histoire génératrice de repères, d’une adhésion à la pensée scientifique : toutes choses dont le manque est éclatant dans notre époque où le laxisme éducatif, la confusion des valeurs, l’obscurantisme anti-scientifique –qui frappe aussi bien tous les modèles de société- n’ont cessé de gagner du terrain.

Permettre à loi de 1905 de vivre, c’est donc d’abord reconstituer une école de la République adaptée aux défis de notre temps, sans oublier que le premier défi est un accès aussi universel que possible à un savoir libérateur.

C’est ensuite lui donner sa portée véritable dans la société elle-même. Les dérives là aussi sont inquiétantes. Lorsque telle ou telle mairie choisit, après des décennies d’abstention, d’installer une crèche dans le hall d’accueil du public, qui ne voit qu’il s’agit là d’un signal agressif ? Pourquoi revenir sur une question réglée depuis de longues décennies si ce n’est pour renvoyer le signal d’une « identité chrétienne » jetée comme un défi, faisant appel à une population en mal de repères, qui voit là un retour rassurant à des « racines » que nul n’a jamais contestées ? Ce sont d’ailleurs souvent les mêmes élus qui découvrent soudainement qu’on ne doit pas servir de menus appropriés dans les écoles, là où depuis plus de quarante ans ces menus existent. Dans les deux cas on voit bien comment des solutions dégagées dans l’apaisement général sont sciemment remises en cause. C’est revenir sur la charte de paix civile.

Si nous n’y prenons garde, une conception agressive de la laïcité pourrait s’installer, fondée sur les pseudo analyses du Front National. L’équation en est simpliste : d’un côté valoriser les « racines chrétiennes » de la France, de l’autre côté expulser tout ce qui prend en compte le moindre signe d’une identité musulmane qui est réalité plus culturelle que religieuse. Ce n’est pas la leçon qu’il faut tirer de la loi de 1905. Ce que celle-ci prohibe ce sont les manifestations incompatibles avec la République et toutes dérives, de quelque religion qu’elles viennent, ne peut être acceptée.

Oui, la loi de 1905 nous invite à revenir aux principes, à les faire vivre car ils n’ont jamais été aussi « nécessaires à notre temps » comme le dit le Préambule de notre Constitution s’agissant de tout ce qui fonde notre tradition républicaine. C’est le moyen d’être à la hauteur de l’héritage des pères de la République qui avait su s’abstraire du court termisme.

3 commentaires

  1. Elie Arié le 9 décembre 2015 à 20h02

    Je ne suis pas certain que la suppression des menus à la carte dans les cantines scolaires, adaptés à chaque religion, voire à chaque école de pensée ( végétariens, végétaliens, etc.) témoigne d’une laïcité agressive. Les menus de cantine doivent être diététiquement équilibrés, et correspondre aux habitudes alimentaires de la majorité des Français : c’est à chacun de s’y adapter; la cantine n’est pas obligatoire pour les religieux très puristes..
    Pour moi, c »est la même problématique que celle des les jours de travail, qui doivent rester ce qu’ils sont, hérités des « racines chrétiennes » de la France ( pas de travail les dimanches, ni les jours correspondant à des fêtes religieuses chrétiennes) et à chacun de s’y adapter, sans y rajouter les jours de repos ( vendredi pour les musulmans, samedis pour les juifs, etc.) ni les jours fériés des autres religions .



  2. hauff le 10 décembre 2015 à 1h52

    A la fin de sa vie , Henri Tisot , au début de ce nouveau millénaire , envoyait ses voeux de bonne année avec un graphisme réunissant les trois symboles , l’étoile de david , la croix du christ et le croissant de mahomet pour la réunion des trois religions abrahamiques … . sans évoquer le cadre où elles sont nées , soit notre monde occidental car en asie , elles n’existent pas ; donc déjà une certaine relativité de son universa



  3. hauff le 10 décembre 2015 à 2h29

    de son universalité existe . Et dans ce cadre où les lieux de cultes sont admis et reconnus , en 1905 , il a fallu que l’état , qu’il soit de france ou de navarre…! rappelle par la Loi que cette liberté de croyance et/ou de manifester sa croyance , au seuil de ce XX ième siècle , pour une bonne marche de la société , exigeait pour le respect de l’autre une intériorisation de sa croyance et que l’espace public était un lieu neutre et bien veillant où l’expression extérieur de sa croyance ne devait plus etre montré et que seuls les religieux pouvaient montrer leur appartenance , s ils le désiraient . Et au début de ce nouveau siècle , soit notre XXI ième siècle et pour des raisons peu prévisibles , la troisième branche de cette religion abrahamique se développe à nouveau sur le sol continental et comme pour le XX ième , notre XXI ième siècle doit avoir les memes assises et les memes efforts demandés à tous pour cette paix civile . Et il est le devoir aussi à nos instances dirigeantes , comme pour les vaccinations en médecine …de faire les rappels et en temps et en lieu , au risque de perdre la mémoire de nos anti-corps et de redevenir contagieux …. Alors si nous ne voulons pas retourner aux siècles de l’obscurantisme  » médiéval  » , il faut sans relache , ne pas oublier Les Principes qui ont fait que nous pouvons écrire ici , ce jour , librement et sans avoir perdu sa foi ou son ame ….