« Service national : le civisme en actes » interview de M-F Bechtel dans la revue politique et parlementaire
« Service national : le civisme en actes »
N°1078 de la Revue Politique et Parlementaire (p207-210)
Après les attentats de janvier et novembre 2015, des parlementaires, de droite comme de gauche, militent pour le retour du service militaire. 70% des Français sont d’ailleurs favorables à sa réinstauration. Marie-Françoise Bechtel, députée RM de l’Aisne, a lancé une pétition pour le rétablissement du service national obligatoire pour tous, « creuset d’une égalité retrouvée par l’intégration et par un apprentissage actif des valeurs du civisme ».
(Propos recueillis par Florence Delivertoux)
Qu’est-ce qui a motivé cette pétition ?
D’abord je ne suis pas une nostalgique du service national tel qu’il était même si je n’étais pas favorable à sa suspension il y a 20 ans. Les méfaits de cette suspension se sont fait sentir et l’idée qu’il fallait rétablir un service national dans des formes nouvelles s’est imposée à moi petit à petit et après les évènements tragiques du 13 novembre, il fallait une réponse, il fallait une proposition qui aille au-delà des mesures nécessaires de court terme. J’ai pu sentir, notamment lors d’une marche blanche organisée sur mon territoire à Soissons, que cette idée avait un écho pour nombreux de nos concitoyens, toutes générations et tous milieux confondus. Le service national, que nous aurions d’ailleurs dû rénover plutôt que supprimer, répond à une double exigence : celle de la sécurité et celle de l’intégration. C’est quelque chose qui est largement admis aujourd’hui, c’est pourquoi avec une vingtaine de collègues parlementaires nous avons écrit au Président de la République pour lui demander qu’un grand débat soit organisé concernant la réinstitution d’un service national. La pétition citoyenne a connu dès les premiers jours un grand succès et je dois dire que c’est aussi une force pour que notre proposition soit entendue.
Quelle forme prendrait ce service national ?
C’est plus un grand débat sur la question que je propose qu’un système clé en main. Néanmoins il est indispensable qu’un service national adapté au XXIe siècle soit à la fois obligatoire et ouvert aux deux sexes. Il faut qu’il soit court, d’une durée de trois mois ou pourquoi pas six mois. Il faut également qu’il intègre un premier apprentissage de l’ensemble des éléments de la défense nationale incluant également la protection civile, les secours, les pompiers. Il faut également permettre aux objecteurs de conscience d’éviter la période d’apprentissage des armes en allant sur autre chose. Il faut que le service national soit assorti d’une formation professionnelle diversifiée, qu’il puisse déboucher, sur la base du volontariat cette fois, sur une prolongation. La question du passage de l’examen du permis de conduire durant cette période pourrait également être posée parce que je peux vous dire que c’est quelque d’essentiel, notamment dans les territoires ruraux comme celui dont je suis l’élue.
Le service civique, tel qu’il existe aujourd’hui, ne convient-il pas ?
Ce que je propose n’a rien à voir avec le service civique. Il y a, dans ce que je propose, un caractère obligatoire et c’est ce caractère obligatoire qui est fondamental. Evidemment, je trouve ça très bien que de nombreux jeunes soient intéressés par le service civique, qu’ils s’engagent de plus en plus dans des actions de solidarité, etc. Mais le service civique reste basé sur le volontariat alors qu’un service national obligatoire et universel permettait d’apprendre la contrainte commune, et incarnerait le civisme en actes, l’idée du brassage social et de l’égalité de tous les citoyens.
Comment serait financé ce service national ?
La réinstitution d’un service national tel que je l’imagine aurait forcément un coût mais on ne peut pas balayer d’un revers de la main cette idée sous prétexte qu’elle serait coûteuse. La sécurité nationale n’a pas de prix. Le service militaire tel qu’il a été suspendu sous Jacques Chirac coûtait 1,6 Milliards d’euros, on estime qu’un rétablissement coûterait aujourd’hui 4 Milliards. Mais il faut tout compter, regarder le coût réel, c’est-à-dire déduire par exemple les contrats d’avenir que nous n’aurions pas à payer ainsi que les aides aux jeunes en déshérences. Nous devons aussi compter ce que ces jeunes apportent puisqu’ils seraient formés et habilités à protéger le territoire, à participer activement à la protection civil, ce qui permettrait notamment de libérer d’autres forces de protection sur des opérations qui demandent l’intervention de professionnels aguerris. Nous devons donc faire une loi de programmation, évaluer tous ces coûts et bénéficies, chercher des moyens de financer un service national qui est aujourd’hui nécessaire.
Quels seraient les moyens humains, logistiques et techniques mis en place ?
Il faudra évidemment des moyens d’encadrer les 600 000 jeunes qui effectueraient leur service chaque année. Je crois que l’équipement et la logistique couteraient plus cher que l’hébergement. Toutes ces choses doivent être discutées, des solutions à chaque problème, notamment budgétaires, peuvent être trouvées. Par exemple, sur la question de l’accueil des jeunes, il est vrai que nous avons fermé de nombreuses casernes mais pourquoi ne pas ouvrir les internats durant l’été aux jeunes qui effectueraient leur service. Des idées comme celle-ci peuvent fleurir à condition que nous ayons un débat d’organisé et c’est l’objet de ma pétition ou à condition qu’un groupe de travail parlementaire qui planche sur cette question soit mis en place, c’est ce à quoi nous travaillons.