Tribune de Marie-Françoise Bechtel, FigaroVox, jeudi 24 septembre 2015.
Marie-Françoise Bechtel déplore l’absence de vision politique de l’Union européenne en général, sur les migrants en particulier.
Au grand vent des migrations, fille de nos erreurs diplomatiques, la France tourne sur elle-même comme si la conscience collective n’avait plus ni axe ni pivot. Au sens propre elle perd littéralement la boussole. Fermeture égoïste contre ruissellement de bons sentiments, les responsables politiques font étalage de scènes mille fois jouées avec une dimension seulement accrue par la taille et surtout la brusquerie des événements. Seuls les citoyens gardent dignité et bon sens en proposant leur aide comme ils ont souvent su le faire dans notre histoire riche en exodes et en déplacement de populations. La charité personnelle est dans cette affaire bien dans son rôle, indifférente à la récupération politique et au grand brouillard des discours.
Quant à l’action publique, elle doit raison garder. La solution du problème posé par l’afflux subi des migrants se situe certes à l’échelle européenne même si cette dernière est bien mal armée, comme on l’a vu, pour la mettre en œuvre. Mais lorsqu’on ne pose pas les problèmes en ce qui concerne l’avenir, lorsqu’on se borne à pousser le chariot de la «solidarité» sans perspective et sans but autre que de parer aux besoins immédiats, faut-il s’étonner de n’être ni suivi ni compris ? La solidarité européenne ne peut être solidement organisée qu’avec une vision de l’avenir, celle d’un monde méditerranéen et moyen-oriental voisin où la reconstruction d’Etats serait la priorité incontournable, celle aussi d’une Afrique pour laquelle on ne plus se borner à en appeler au co-développement.
Il fallait en premier lieu que les Etats qui comptent en Europe – et d’abord une France fidèle à ses valeurs, oublié le sinistre repliement de ceux qui n’ont jamais su que tendre la sébile – en appellent à l’ONU, afin qu’une réunion du Conseil de sécurité soit organisée et que dans un premier temps le HCR, doté s’il le faut par ces mêmes Etats de moyens supplémentaires, procède à la répartition des populations déplacées -problème très différent de l’immigration traditionnelle. Car la question des migrants érythréens, irakiens et syriens n’est pas une question européenne. C’est une question mondiale. Les erreurs criminelles commises par les Etats-Unis notamment avec la seconde guerre d’Irak, la manière irresponsable dont a été menée en 2011 l’expédition en Libye par MM. Sarkozy et Cameron, cause directe d’une grande partie de l’afflux des migrants, la diabolisation de la Russie et jusqu’à ces derniers temps de l’Iran, qui pouvaient aider à une solution dans le conflit syrien, sans oublier le jeu pervers joué par les Etats du golfe et la Turquie dans la montée des terrorismes, tout cela est directement à l’origine d’une «crise» qui n’a pas poussé selon la génération spontanée des physiologistes du XIXème siècle. En vérité tout le monde le sait. Ce que le Conseil de sécurité a donc maintenant à dire c’est que les remèdes doivent être à la mesure des responsabilités, impliquant tous les Etats à l’origine de la situation que nous vivons. Ainsi, plutôt que de se battre dans l’arène des bons ou des mauvais sentiments -sans compter les calculs économiques-donnant à leur population le sentiment ou de manquer de cœur et de courage ou de courir derrière les refus alimentés par l’extrême-droite, les principaux Etats européens auraient dû- et pourraient encore- traiter rationnellement un mal qui a des causes pour ne pas parler des responsabilités.