[Billet] L’instruction en famille, cheval de Troie des islamistes. Par Claire Roussel

L’instruction en famille, cheval de Troie des islamistes

Par Claire Roussel, membre du Bureau de République Moderne.

S’il est un domaine où le terme « séparatisme » est adéquat, c’est bien celui de l’instruction élémentaire des enfants. Dévoyée par les islamistes, l’instruction en famille (IEF) est ainsi ciblée par le projet de loi visant à « conforter les principes républicains » actuellement en cours de discussion. Y est opéré le passage d’un régime déclaratif à un régime d’autorisation préalable. Cette autorisation ne pourra être accordée que pour une année scolaire et pour des motifs d’ordre médical ou matériel qui font objectivement obstacle à la scolarisation, ou encore pour des motifs relevant de la « situation particulière de l’enfant », sans que soient retenues comme des motifs fondés les convictions politiques, philosophiques ou religieuses de la famille.

Il faut saluer cette mesure qui s’inscrit dans l’esprit de la loi sur l’école de 1882 et permettra de mettre un terme aux dérives graves et inquiétantes que l’on commence à constater.

Quelle est en effet la situation aujourd’hui ? On compte, à la rentrée 2020, 62 000 enfants instruits en famille sur 12 millions d’élèves. Environ la moitié le sont pour raison médicale et 3000 à 4000 d’entre eux seraient en danger, soumis au radicalisme islamique (1). 

L’IEF, plus encore que les écoles hors contrat, est ainsi devenue une zone d’ombre. Pour ces dernières, la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires relève que sur les 2 500 demandes qui lui sont adressées chaque année, un quart évoquent des risques de dérives touchant des mineurs, pour lesquels la dimension éducative est presque toujours mentionnée (2).

La loi pour une école de la confiance du 28 juillet 2019 et la loi Gatel du 1er août 2019 ont permis de renforcer les contrôles des établissements hors contrat et de mieux encadrer leur ouverture.

Cependant, la situation de l’IEF est plus difficile à contrôler pour les maires comme pour les inspections académiques sur qui repose aujourd’hui la responsabilité du contrôle.

Devant l’augmentation du nombre d’enfants en IEF (+120% en 10 ans), le ministère de l’Education nationale a décidé de renforcer et d’augmenter la fréquence des contrôles par décret et circulaire en 2016 et 2017. Pour autant, leur mise en œuvre demeure très complexe et à l’heure actuelle, ce contrôle n’est ni assez fréquent ni assez homogène.

On soulignera enfin que, selon le ministère de l’Education nationale, 50% des enfants qui fréquentaient les écoles clandestines fermées et démantelées par le gouvernement étaient officiellement instruits en famille. C’est dire le détournement qui est fait de l’IEF.

Au regard du principe de réalité, seule la restriction de l’IEF prévue par le projet de loi peut donc permettre, dans l’esprit de la loi de 1882 et des principes constitutionnels, de contrecarrer la pénétration islamiste.

L’IEF est déjà une quasi dérogation dans l’esprit de la loi de 1882.

Rappelons que pour les Républicains, la loi de 1882 a un grand objectif : rendre l’école laïque et obligatoire. Il s’agit de lutter contre l’obscurantisme, selon la formule de Jean Macé, fondateur et premier président de la Ligue française de l’enseignement (1881).

Vilipendée alors par l’Église – qui n’a revendiqué la liberté de l’enseignement que lorsque le monopole de l’enseignement lui fut enlevé –, la loi Ferry du 28 mars 1882, dans le souci de concilier liberté et obligation, autorise l’instruction en famille mais cette dernière est très encadrée et contrôlée, avec un examen périodique du niveau atteint par les enfants

Les conservateurs considéraient la loi liberticide car elle allait à l’encontre du droit des familles, l’examen annuel pour les enfants instruits en famille étant regardé comme le témoignage d’une suspicion indigne à l’égard du bon père de famille. De fait, l’instruction en famille constituait presque une dérogation par rapport à l’esprit général de la loi – et ciblait en réalité les enfants des classes aisées dont les parents recouraient à un tuteur à domicile. Dans son Nouveau dictionnaire de pédagogie (1911), Ferdinand Buisson considère que la liberté d’enseignement doit être fermement circonscrite.

Aujourd’hui comme hier, il s’agit d’abord de préserver l’intérêt de l’enfant : celui, que lui doit la société, de devenir un citoyen libre et éclairé.

Au demeurant, à l’heure où le Covid nous oblige précisément à un repli sur le cercle familial restreint, qui peut dire ce qu’en seront les conséquences sociales, affectives et psychiques pour les enfants ? Lorsqu’il va à l’école – publique ou privée – l’enfant noue des relations d’amitié, apprend les règles du collectif, est confronté à l’altérité ainsi qu’à l’autorité d’autres adultes que celle de ses parents. En dehors de cas très particuliers, cela ne peut que lui faire du bien. C’est du bon sens… républicain.

(1)Dans une interview donnée à L’Express le 5 oct. 2020, Jean-Pierre Obin se dit favorable même à la restriction de l’IEF : « On assiste à une explosion des déscolarisations, notamment dans les territoires où les salafistes sont bien implantés. (…) On peut se dire que 50 000 élèves concernés c’est peu, mais le jour où il y en aura deux millions, ça sera impossible de l’arrêter, c’est maintenant qu’il faut le faire ».

(2)Interrogé le 21 janvier 2020 par la commission d’enquête sénatoriale intitulée« Combattre la radicalisation islamiste », Hugo Micheron – Docteur en sciences politiques, chercheur à l’ENS, élève de Gilles Kepel, auteur de Le Jihadisme français. Quartiers, Syrie, prisons, Gallimard, janvier 2020 – déclare : « Les écoles privées hors contrat se multiplient. Les salafistes sont fascinés par la possibilité de monter un système scolaire parallèle. Cela vaut aussi pour la mise en place d’études, à travers le Centre national d’enseignement à distance (CNED). Par exemple, dans la plus grande académie de France, l’académie de Créteil, qui compte 1 million d’enfants, le nombre d’élèves passés dans le hors contrat a doublé, passant de 3 000 à 6 000, entre 2015 et 2017, soit au moment de l’effondrement de Daech. C’est beaucoup ! »