[Tribune] « En 2020, une nouvelle commission intrusive et démissionnaire. » Par M-F Bechtel

La nouvelle Commission d’Ursula von der Leyen marquerait le retour du politique en faveur d’une Europe-puissance ? Un scénario improbable pour 2020…

En 2020, l’installation de la nouvelle Commission européenne, née des amours contrariées d’une majorité parlementaire qui croyait détenir le candidat légitime et de deux gouvernements nationaux désirant le passage en force, signerait-elle le retour au primat du politique ? L’auteur de ces lignes ne demanderait qu’à le croire : ne pourrait-on passer, après tout, par profits et pertes l’ADN démocratique douteux d’un organe – la Commission – mi-législatif, mi-exécutif, qu’aucune instance légitime ne contrôle ? Et ce pour permettre enfin à l’Union européenne de définir le périmètre d’une souveraineté retrouvée ?

Cette évolution serait ô combien utile : dans le monde instable qui est celui de ce premier tiers du XXIeme siècle, il faut considérer l’enjeu de la puissance économique, voire financière, d’une zone qui, potentiellement, pourrait être un acteur majeur. Cette analyse est indispensable au regard du bénéfice que pourrait en tirer nos peuples.

Las, les ententes gouvernementales à deux ou trois États (à les supposer réelles) ne suffiront pas à reverser la tendance. Dans un monde encore dominé par une puissance américaine plus arrogante que jamais, plus dangereuse aussi pour la paix, les projets et annonces de la nouvelle Commission restent marqués, avec un style différent, par la soumission à l’extérieur de l’UE et l’arrogance à l’intérieur.

Restriction des aides publiques

C’est Margrethe Vestager, vice-présidente, chargée de la concurrence et du numérique qui d’emblée (1) annonce, en guise de nouvelle politique de la concurrence, la révision du système de prohibition des aides publiques. Fort bien ! se dit-on… Car le recours à de telles aides constitue un sujet majeur pour le développement économique des territoires nationaux et régionaux. Hélas ! Il ne s’agit pas, dans l’esprit de la Commissaire, de libérer les initiatives nationales mais au contraire d’intégrer plus encore le contrôle des leviers étatiques en réduisant « la liste des secteurs que les États pourront aider à compenser le surcoût occasionné (…) à cause du green deal ».

Pas question donc, bien au contraire, de pousser enfin au développement des industries nationales. Quant aux fusions (pour ceux qui croient aux « champions européens »), la Commissaire qui s’est rendue célèbre par un despotique verdict sur la fusion Alstom-Siemens prévient d’emblée : le projet de fusion PSA-Fiat-Chrysler « sera regardé ». Pas au point toutefois de s’étonner de voir le futur groupe choisir le statut fiscal néeerlandais : ce type de concurrence interne, un des plus nocifs, n’a jamais ému la Commission et l’on sent bien que cet état de fait est appelé à durer.

Langue de bois

Enfin la concurrence des pays tiers soutenant leurs entreprises jusqu’en Europe doit-elle donner lieu à une politique spéciale de la Commission ? « C’est un problème, c’est vrai », reconnaît gravement l’éminente experte. Mais « nous n’avons pas de règles qui nous permettent de nous y attaquer ». Heureusement, « nous y réfléchissons ». Tout cela se passe de commentaires tant le renoncement à toute volonté de type étatique se conjugue avec l’imperium sur les Etats nations, soumis, de par le bon vouloir des traités, à une telle philosophie.

Quant à la présidente de la Commission (qui devrait, si l’on comprend bien, faire, à la tête de cette institution, preuve d’une réussite qu’elle n’a pas connue dans son pays d’origine…), qu’en attendre ? Ursula von der Leyen a certes confié aux Echos (2) que « l’Europe doit faire la course en tête ». La belle déclaration que voilà… Si certaines de ses positions – acceptation du mix énergétique de chaque Etat, par exemple – semblent moins impériales que celles de son incontrôlable prédécesseur, son absence de soutien à la taxe Gafa, encore confirmée dans son entretien avec Donald Trump à Davos le 22 janvier, laisse les Etats, en premier lieu la France, dans la situation humiliante de rétropédaler en attendant le mécanisme (de longue date annoncé) qui serait demain préconisé par l’OCDE. Ne mentionnons même pas l’abaissement de l’Europe dans le conflit Etats-Unis/Iran comme un fait nouveau : dans son entretien avec Donald Trump, la présidente de la Commission a fait acte d’allégeance. Cette attitude est bien plutôt le témoignage que rien n’a changé depuis l’installation de la nouvelle « dream team »   (« équipe de rêve ») à la tête de l’UE.

« Dream team » ? Il en faudra plus, beaucoup plus pour que les peuples éprouvent ce minimum de fierté sans lequel il n’est même pas besoin de parler d’un « nouveau départ »…

Marie-Françoise Bechtel, vice-présidente de RM

À lire également sur le site de Ruptures en cliquant ici.

(1) Entretien dans Le Monde du 20 décembre 2019

(2) Entretien dans Les Echos du 27 décembre 2019

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