Le quinquennat, une fausse bonne idée
Par Marie-Françoise Bechtel, 1ère Vice-présidente de République Moderne, Députée de l’Aisne
Adoptée par référendum le 24 septembre 2000, la réforme du quinquennat pouvait alors passer pour une évolution normale et saine de nos institutions. Beaucoup (je n’en suis pas) y voyaient à l’époque un choix de modernité avec une respiration démocratique accrue, ainsi qu’un gage d’efficacité. En effet cette réforme était couplée avec l’ « inversion du calendrier » pour faire en sorte que l’élection tous les cinq ans d’un Président de la République soit suivie et non précédée des élections législatives. On pensait éviter ainsi la cohabitation regardée comme un mal.
Las, on peut le dire aujourd’hui, ni la démocratie, ni l’efficacité n’ont gagné à cette réforme. Elle a eu au contraire pour effet de renforcer la mainmise des grands appareils de partis sur la vie politique française. La déception a été amère pour les deux initiateurs de la réforme qui y avaient vu chacun leur intérêt : Lionel Jospin a été éliminé au premier tour de la Présidentielle de 2002 tandis que Jacques Chirac se voyait contraint vers la fin de son mandat de laisser la main mise sur son parti au rival détesté entre tous, Nicolas Sarkozy. Ce dernier, comme après lui François Hollande, a administré la preuve que l’on se hisse à la Présidentielle en « tenant » un des deux grands partis. Cette mainmise sur l’appareil est l’assurance d’être désigné d’autant que l’on distribue par avance les sièges aux élections législatives.
C’est donc à rebours de l’esprit de la Constitution de la Vème République, que le quinquennat a finalement réinstallé le « régime des partis » si honni par l’inspirateur de cette Constitution, le général de Gaulle.
Résultat : la démocratie française souffre aujourd’hui du « court-termisme » des responsables de la politique nationale, avec un Président chef d’une majorité politisée et non au-dessus des partis comme le voulait le général de Gaulle. Ainsi les grands choix politiques nationaux ne peuvent se fonder sur une vision à long terme comme le montre, sous l’actuel quinquennat, la difficulté de prendre la mesure de l’effort de redressement de notre économie. Car il est bien évident que le temps court de la politique ne s’ajuste pas à la durée des cycles économiques. Au moins le septennat permettait-il une vue plus longue et moins de crispation sur l’attente des résultats. De plus on pouvait distinguer le Président censé voir haut et loin et le Premier ministre aux manettes de l’action.
Certains aujourd’hui proposent donc de revenir au septennat mais en le limitant à un seul mandat présidentiel. Ce choix à première vue de bon sens se heurte tout de même à la liberté de l’électeur qui est un obstacle fort, d’autant qu’il y a obligation de choisir au deuxième tour entre seulement deux candidats dont le corps électoral peut légitimement penser qu’aucun ne fait l’affaire.
Pour avoir eu à me pencher sur ces questions comme membre et Rapporteur général du Comité Vedel sur la réforme des institutions (1993), je pense aujourd’hui qu’on arriverait sans doute à un résultat plus démocratique en rendant obligatoire la démission du chef de l’Etat dès lors qu’il déciderait de dissoudre l’Assemblée nationale (système défendu par Jean-Pierre Chevènement). Il serait également bienfaisant d’obliger à soumettre à référendum toute décision politique engageant l’avenir de la nation à commencer bien sûr par la ratification des traités européens et pourquoi pas certains grands choix budgétaires.
Une chose est pour moi certaine. La revalorisation du rôle du Parlement qui est aussi une nécessité ne passe pas par la déstabilisation de l’exécutif qui serait inévitablement le résultat de la « VIème République », que ce soit celle proposée par Jean-Luc Mélenchon ou par Arnaud Montebourg. Nous avons trop souffert de cette déstabilisation sous la IVème République. Mais un Gouvernement stable et respecté doit aussi être doté d’un véritable contrôle parlementaire. Aujourd’hui le Parlement devrait être mieux à même de décider, en ce qui concerne les choix européens, et le déferlement des normes de l’Union, tous sujets confondus. De même devrait être affirmé le rôle ultime du Parlement en matière constitutionnelle. La loi, qui devrait retrouver sa relative rareté et par la même sa force, est aujourd’hui gravement déstabilisée par un contrôle excessif, que ce soit en amont ou en aval avec la « question prioritaire de constitutionnalité » (QPC), autre réforme très mal venue, voulue quant à elle par Nicolas Sarkozy.
Ces questions ne sont pas abstraites. Elles conditionnent la démocratie au quotidien car les institutions sont le cadre dans lequel se meut l’action politique qui elle-même retentit sur notre vie de tous les jours.